« Assistés », « profiteurs », « paresseux »… en finir avec les clichés sur les pauvres
Les décodeurs
A l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, tour d’horizon des contrevérités fréquentes sur la pauvreté.
LE MONDE | Par Anne-Aël Durand
Un président de la République qui dénonce les « fainéants », un dirigeant des Républicains qui fustige le « cancer de l’assistanat », des aides sociales rabotées parce qu’on ne va pas « pleurer pour 5 euros »… le personnel politique n’est pas le dernier à véhiculer des caricatures des personnes en situation de pauvreté — qui concerne un Français sur sept, selon l’Insee.
A l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, mardi 17 octobre, nous avons rassemblé des clichés et idées reçues sur la pauvreté, dont certains ont déjà été évoqués dans de précédents articles du Monde ou des Décodeurs. Cette série, loin d’être exhaustive, s’inspire aussi du travail acompli par l’association ATD Quart Monde.
Idée reçue n° 1 : « Les pauvres profitent du système »
FAUX
Les aides sociales sont un mécanisme de solidarité destiné à porter assistance aux personnes en situation de pauvreté, de dépendance ou de handicap… à condition qu’elles atteignent les personnes concernées.
Si des responsables politiques, tel Laurent Wauquiez, dénoncent le « cancer de l’assistanat » ou la fraude aux allocations (qui existe, mais reste limitée, voir idée reçue no 3), la puissance publique s’inquiète plutôt du phénomène inverse : le non-recours aux prestations sociales. Comme le résume un rapport d’information de l’Assemblée nationale, « à quoi bon des organismes de protection sociale s’ils ne parviennent pas à venir en aide à ceux qui en ont besoin ? » Ce non-recours peut être lié à l’ignorance des aides existantes, à la difficulté pour la recevoir (démarches complexes) ou même au choix de ne pas le demander, parfois de crainte d’être stigmatisé.
L’Observatoire des non-recours (Odenore) avait publié en 2011 une étude montrant que 50 % des personnes éligibles au revenu de solidarité active (RSA) ne le touchaient pas. Ce taux atteignait 68 % pour le tarif « première nécessité électricité » d’EDF ; entre 50 % et 70 % pour la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ; 70 % pour l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS). Soit plus de 10 milliards d’euros non réclamés.
Une étude plus récente menée dans deux départements français publie des estimations de 36 % de non-recours au RSA, et entre 21 % et 34 % pour la CMU-C.
Cet article fait partie d’une série d’idées reçues sur la pauvreté, inspirée notamment du travail d’ATD Quart Monde.